lundi 27 mars 2017

Tu seras un Homme mon fils



Si il est une chose aussi belle que difficile, autant source de fierté que de stress, autant porteur d'espoir que vecteur d'impossibilités, c'est bien le fait d'être une mère célibataire.


Étrangement je n'ai jamais vraiment ressenti le besoin de maternité, je ne suis pas de ces femmes ressentant le besoin d'enfanter pour se sentir femme accomplie.

Je n'ai ni désiré, ni préparé, ni voulu ma grossesse.
Un "accident" de parcours en quelque sorte, au hasard d'une rencontre prévue pour être éphémère avec un homme que je n'aurais jamais choisi comme père si j'avais eu le choix.

J'avais 37 ans à l'époque, me baladant de rencontre d'un soir en rencontre de quelques nuits.
Au fond de moi, comme depuis toujours, cette envie, cet espoir de rencontrer enfin "le bon" tout en étant, à l'époque, persuadée qu'aucun homme valable ne pourrait vouloir d'une fille comme moi (merci à ma mère de m'avoir si bien convaincue de n'être pas désirée et désirable).

Et, alors que cette relation de quelques nuits avait déjà pris fin, j'ai découvert ma grossesse.
Longue réflexion pour savoir si j'allais garder cette vie, qui contre toute attente, mais contredisant aussi toutes les prévisions médicales (plusieurs médecins m'avaient dit que j'étais très probablement stérile), venait de s'installer en moi.

J'ai fait le choix, volontaire et conscient à l'époque, de garder cet enfant, ce cadeau de la vie, cette surprise aussi.
Je pense que je n'avais pas alors conscience de tous les changements que cela allait impliquer pour moi, si tel avait été le cas, si j'avais pu vraiment savoir, je ne l'aurais pas gardé et j'aurais eu tort.

La venue au monde d'un enfant provoque un changement fondamental, une réelle révolution.
Au delà d'un quotidien et d'un avenir obligatoirement différent de ce que l'on avait prévu, on se retrouve, du jour au lendemain, responsable d'une vie humaine.
Et je n'étais pas préparée à une telle responsabilité.

Donner la vie n'est que le point de départ, infiniment ridicule face à tout ce qui nous attend par la suite.

Le début de ma vie de mère a été fortement perturbé par ma propre enfance.
Comment donner de l'amour à un enfant quand on en a manqué soi-même ?
Comment ne pas reproduire, alors même que l'on sait à quel point cela peut être destructeur, les erreurs de celle qui a été notre modèle "maternel" ?

Avancer en étant guidée par cette peur n'a pas été facile.
Avancer en ressentant très souvent cette maternité comme un frein, voir une impossibilité à mener l'existence que j'espérais n'a pas non plus était, et n'est toujours pas d'ailleurs, évident.

Souvent il m'arrive de penser "ah si je n'avais pas gardé cet enfant je pourrais faire ceci, j'aurais la liberté de choisir de faire cela, je pourrais décider de vivre autre chose".

Mais... mais il est là et je me dois, c'est pour moi une évidence, de tenter de lui offrir la meilleure vie possible.

Mais il est là et je me rends compte que j'ai la chance incroyable d'avoir un enfant formidable.

Du haut de ses 7 ans 1/2 (c'est encore important les démis à cet âge là ^^) il est déjà un petit homme.
Tout autant insouciant que se doit de l'être un enfant, que responsable et volontaire, comme le serait déjà un petit homme.

Il est fier de m'aider, fier d'être capable d'aller tout seul à l'école le matin et de me prouver qu'il peut aussi rentrer seul le soir et commencer à faire ses devoirs en attendant que je rentre.

Il n'est pas exigeant ni capricieux, il a conscience de la valeur des choses et n'exige pas des cadeaux que je ne suis pas en capacité de lui offrir, il est tendre et câlin me disant à quel point il m'aime.

J'espérais ne plus avoir à lui faire supporter la vision d'une mère malheureuse et trop souvent en larmes, comme ça a si souvent été le cas lorsque nous vivions en Martinique. Mais mon dernier échec sentimental, cet espoir perdu de pouvoir construire une vie avec l'homme que j'aime encore, m'a à nouveau fait replonger.
Et mon petit homme fait tout son possible pour m'aider et me consoler. Pour me rendre la vie moins triste.

J'aime infiniment cet enfant, et même s'il m'arrive encore aujourd'hui de regretter ma vie sans cette immense responsabilité, je me rends compte aussi de la chance infinie que j'ai d'avoir eu cet enfant merveilleux.

Il me pousse à vivre, il m'impose de rester debout, il m'apporte de la joie, de la fierté et un bonheur puissant et tangible.

Et, même si ce n'est pas tous les jours évident, surtout en étant totalement seule avec et pour lui, je tenterai de tout faire pour lui rendre tout ce qu'il me donne sans calcul ni espoir d'une quelconque contrepartie.

L'amour inconditionnel et désintéressé qu'il me porte devrait être le modèle que je devais suivre, que nous devrions tous suivre.

Aimer les autres comme ils sont, pour ce qu'ils sont et non pas pour ce que l'on souhaiterait qu'ils soient ou pour ce qu'ils seraient susceptibles de nous apporter.

L'amour que nous offre un enfant est le cadeau le plus inestimable qui existe, et il mérite que l'on s'en montre digne.

Alors oui, la vie de mère célibataire n'est jamais une sinécure, elle est difficile, fatigante, elle limite beaucoup de nos possibles, mais elle est aussi extraordinaire et source de mille émerveillements.

Oui, tu seras un Homme bien mon fils et je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour t'y aider au mieux.

Je t'aime.

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