vendredi 24 février 2017

Premier article

banksy balloon girl

Besoin d'écrire pour libérer la bulle de solitude dans laquelle je m'enferme parfois.
Lorsque ça va mal, lorsque les décisions passées impactent un présent trop souvent subi.



Qui suis-je ?

Une femme de 45 ans, qui depuis 30 ans est en lutte permanente contre elle-même.

J'ai eu une enfance mêlée de bonheur et de douleur.

Bonheur d'une vie en Afrique, la Haute-Volta d'abord, devenue Burkina-Faso peu de temps après notre départ, le Mali ensuite, Bamako, ville où se sont créés les premiers vrais souvenirs.

Douleur d'une haine maternelle qu'il m'était impossible de comprendre ou d'expliquer à l'époque.
Une mère toxique, m'imposant son mal-être, sa haine, et arrivant à me persuader que j'étais une erreur.

"Miss stérilet, je n'ai jamais voulu t'avoir" ...

C'est probablement la phrase que j'ai le plus entendu dans la bouche de ma mère.  Se construire sur une telle base est très difficile, le résultat ne peut être que .... bancal

Haine, mépris, illégitimité...

J'étais un accident, je n'aurais jamais dû exister, je gênais, je dérangeais, et j'ai donc appris à me voir ainsi.

Illégitime à la vie
Illégitime à l'amour

Je suis un accident, je n'ai aucune légitimité, je n'ai pas été désiré, je n'ai jamais connu l'amour d'une mère.
Simplement sa haine, son mépris, ses humiliations permanentes.

Et j'ai avancé, lestée de ce désamour, lestée de ce poids insupportable, importable ....

À 5 ans, j'avais "découvert" mon histoire. Devant tant de haine j'avais "compris" que je n'étais pas leur enfant, mes "vrais" parents, devant ce bébé horrible et détestable m'avaient jeté à la poubelle, et ces gens, qui avaient le cœur sur la main m'avaient recueillie. Mais j'étais trop détestable, même pour eux, et malgré tous leurs efforts ils leur étaient impossible de m'aimer.

Conviction qui prend forme dans l'esprit d'une enfant de 5 ans et qui servira de ligne directrice pendant de très longues, trop longues années....

PERSONNE NE POUVAIT M'AIMER !!!
PERSONNE NE POURRAIT M'AIMER !!!
JAMAIS !!!

Juste avant mes 15 ans la décision a été prise, je n'avais plus à rester vivre en Afrique, auprès de mes amies, auprès de ce pays que j'aimais, auprès de ce lieu et des ces personnes qui pourtant m'aidaient à tenir droit, à ne pas trébucher, à ne pas tomber totalement.

Et j'ai commencer à découvrir la véritable solitude.
Vie de pensionnat dans une petite ville du Sud-Ouest de la France.
Une première année terrible, seule, subissant un froid inconnu, devant apprendre à ne plus avoir de foyer, une chambre en dortoir, une copine de chambrée gentille mais imposée, un déracinement assassin.

Alors pour combler ce vide, pour tenter de ne pas sombrer totalement face à ce rejet parental qui me démontrait réellement que tout ça était vrai, que je n'avais pas de légitimité et qu'il fallait m'éloigner, ne plus me voir, ne plus me subir, alors... alors j'ai commencé à me remplir.
Littéralement !
J'ai englouti, tout ce que je pouvais, tout ce qu'il m'était possible d'avaler.
La punition de l'éloignement n'était pas assez forte, la punition des humiliations subies depuis toujours n'avaient pas fait assez mal à cette fille qui n'aurait jamais du voir le jour.
Alors j'ai inconsciemment décidé de me punir plus encore.
Alors j'ai commencé moi aussi à me détester puisque je n'étais pas une personne digne de l'amour de mes parents, de cet amour qu'on dit être inconditionnel, plus fort que tout.
Mais pas plus fort que le monstre que j'étais....

Je crois que j'étais assez jolie enfant, petite brune aux yeux verts et aux cheveux longs.
Mais je ne pouvais pas être jolie, je n'en avais pas le droit.
Alors j'ai commencé à m'enlaidir. Et la meilleure façon à mes yeux a été de me remplir.
Me remplir de l'amour que je n'avais pas connu.
Me remplir à la hauteur de la haine qu'elle m'avait fait subir.

De 20 Kg pris en quelques mois, j'ai fini avec le temps par doubler mon propre poids.
Des 60 Kg que j'aurais dû probablement peser je suis passée à 120 Kg aujourd'hui...
Je me suis littéralement remplie de cette amour maternel qui m'a tant manqué.
Je me suis enlaidie pour justifier le désamour que l'on ne pouvait que me porter.

Ne pas attirer pour ne pas que l'on découvre l'être immonde que je pensais être.
Repousser visuellement.
Provoquer un rejet visuel pour ne pas subir un rejet réel qui aurait obligatoirement lieu puisque j'étais illégitime à l'amour.

Et pourtant ... pourtant j'en crevais de ne pas être aimée, de ne pas plaire, de m'exclure de tout, de m'interdire tout droit à une certaine normalité, tout droit à l'amour des autres, tout droit à une famille à moi....

À 17 ans, une tentative de suicide, surtout un appel au secours, un appel à l'amour de mes parents.
Mon père a compris je crois, c'est la seule fois où je l'ai vu pleuré.
Ma mère a pris ça comme un affront, une attaque personnelle et son désamour a encore grandi.

Je ne me laissais plus faire, je tentais de réagir, je les rejetais puisque c'était le seul exemple qu'ils avaient su me donner.
Mais je souffrais, de ce manque d'amour, de ce manque de lien, de ce manque de normalité

La vie a passé, j'ai continué à me remplir, à me haïr, tout en faisant semblant, tout en faisant comme tout le monde.
Offrir en dehors de ce corps que je maltraitais et déformais une apparence de normalité.
Passer un concours, devenir fonctionnaire, "monter" à Paris, me confronter à une plus grande solitude encore, continuer à subir le froid glacial de la solitude.
Seule quand il faut prendre une décision.
Seule quand il faut réagir.
Seule quand on est triste.
Seule quand on est désemparée.
Seule ....

Étrangement, peut-être en réaction inconsciente à ce désamour, j'ai toujours accordé une importance cruciale à mes amis. Je crois que sans eux je ne serais peut-être vraiment plus là aujourd'hui.

Marion l'amie de toujours, rencontrée à 10 ans, toujours présente aujourd'hui
Thierry l'ami de pension, mon premier véritable amour, accouru pour me montrer que même si je voulais mourir la vie pouvait être belle
Estelle, mon Estelle, qui un jour en voiture m'a dit qu'elle souhaitait prendre dans ma vie la place de cette mère aimante que je n'avais jamais connue.

Mais les amis ne sont pas la famille, ils ont leur vie et je ne peux pas, je ne sais pas les appeler au secours quand je vais mal.
Je sais être la copine rigolote, grande gueule, provocatrice, quand tout va bien.
Mais je ne sais pas être une adulte enfant pleurant l'aide et l'amour que ses parents lui ont toujours refusé.

Alors je pleure seule, loin des autres, loin des regards, loin de toute main qui pourrait se tendre.
Parce que je ne sais pas comment on réagit à de l'amour
Parce que je n'ai appris à ne réagir qu'à de la haine et du rejet.

Mais dans tout ça, dans tout cet étrange mélange de haine parentale et d'amitiés incroyables, il existe depuis bientôt 8 ans une véritable perle, un diamant, un petit bout d'être humain.
Mon fils.

Longtemps j'ai eu peur, peur de ne pas savoir l'aimer, peur de lui faire du mal, ce que j'ai probablement fait involontairement parfois, peur que lui aussi soit obligé de se construire sans fondation.
Mais j'ai réalisé que j'aimais cet enfant, cet être de chair et de sang, ma chair, mon sang, mon amour.

Alors j'ai compris que je devais me soigner, soigner mon corps mais aussi mon âme, mon être.
J'ai entrepris en décembre 2014 une thérapie.
Parce que j'étais au bord du précipice.
Parce que je touchais du doigt la fin de mes possibles.

Mais que lui était là, lui avait besoin de moi, lui m'aimait sans se poser de question et je l'aimais autant en retour.

Quand on touche le fond de la piscine, soit on décide d'y rester, soit on remonte à la surface.

Ce n'est pas facile tous les jours, il y a des paliers, des rechutes, des moments plus difficiles que d'autres, mais aujourd'hui je sais pour qui je me bats, et non plus contre qui je me bats.

Aujourd'hui je me bats pour lui, mais aussi et surtout pour moi, parce que j'ai enfin compris que je ne suis pas illégitime, que l'on peut m'aimer, que JE peux m'aimer, que j'en ai le droit et même le devoir.

Aujourd'hui je subis encore ma solitude, mais elle m'est moins douloureuse, moins subie, moins imposée.
J'ai fait ce choix, un peu poussée par la vie, de prendre le temps de me reconstruire totalement.
De me réapprendre, de m'accepter, de m'aimer, avant de demander à un autre de m'aimer à ma place.

Aujourd'hui je suis en train de me reconstruire progressivement.
Aujourd'hui je suis en train de me découvrir en me débarrassant d'une haine que j'ai porté si longtemps en moi mais dont je ne suis ni coupable ni à l'origine.
Aujourd'hui je pense enfin à moi en termes positifs...


1 commentaire:

  1. Étrange et sublime à la fois
    Dérrangeant mais prennent tout autant

    Merci de vos mots et maux de vie...

    De forces vous avez réussi là où beaucoup serait partie dans un ailleurs. ..

    De votre Perle vous en tirez ce force...

    Et assurément votre Demain vous sera...

    Bien à vous

    RépondreSupprimer